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Décret 2025-500 : Ce Qui Change pour la Certification Professionnelle

  • Post published:9 juin 2025
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La certification professionnelle : définition et enjeux

Une certification professionnelle est un titre, diplôme ou certificat qui atteste qu’une personne a acquis les compétences et connaissances requises dans un domaine donné. En France, ces certifications sont inscrites au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) ou au Répertoire Spécifique (RS). Ce statut officiel leur permet de déboucher sur des métiers reconnus et de favoriser l’employabilité. 

Pour les organismes de formation, proposer des parcours certifiants inscrits au RNCP est un gage de crédibilité et un véritable levier pour accéder aux financements publics ou mutualisés. En complément, la certification Qualiopi est devenue, depuis la loi « Avenir professionnel » de 2018, une condition indispensable pour bénéficier de ces financements (CPF, OPCO, Pôle emploi, etc.).

Reposant sur un référentiel national qualité structuré autour de 7 critères et 32 indicateurs, Qualiopi atteste du sérieux des processus de formation mis en œuvre. Elle vise à garantir aux financeurs comme aux bénéficiaires une offre de formation professionnelle fiable, encadrée et orientée résultats. Mais au-delà de cette certification, c’est aujourd’hui l’ensemble du cadre réglementaire des certifications professionnelles qui se renforce.

Dans cet article, nous vous proposons un décryptage clair et structuré du décret du 6 juin 2025 relatif à la certification professionnelle. Quels changements apporte-t-il ? Quels impacts concrets pour les organismes de formation ? Et en quoi renforce-t-il les exigences liées à l’enregistrement au RNCP ? ON FAIT LE POINT.

Le décret 2025-500 du 6 juin 2025 : ce qu’il faut retenir

Le décret n°2025-500 du 6 juin 2025, publié au JO du 8 juin, réforme profondément le cadre des certifications professionnelles. Ses principales mesures sont les suivantes :

  • Critères d’enregistrement renforcés. Le décret modifie les articles du Code du travail relatifs aux demandes d’enregistrement au RNCP (art. R.6113-9 et R.6113-11) et introduit un nouvel article R.6113-8-1. Ce dernier permet au directeur général de France compétences de refuser immédiatement une demande d’enregistrement (sans examen du dossier) en cas de manquement grave. Trois cas sont visés :

    • Fausse déclaration, notamment sur les données de promotions de titulaires (si l’organisme déclare avoir formé des candidats fictifs, etc.).

    • Reproduction littérale d’un référentiel de certification existant (plagiat de référentiel).

    • Communication trompeuse au public sur les actions de formation ou de VAE proposées (informations mensongères sur la formation).

En pratique, cela signifie qu’une demande RNCP sera rejetée d’emblée si elle est fondée sur des données inexactes ou si les contenus reproduisent ceux d’une certification déjà répertoriée, ou si l’organisme annonce des prestations mensongères.

  • Élargissement des critères d’analyse. Les critères d’évaluation des dossiers de demande d’enregistrement sont complétés par deux nouvelles exigences. Il faut désormais vérifier :

    • La réalité des moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement mis en œuvre pour la formation ou la VAE. (Nouvel alinéa 2° bis de R.6113-9.) Autrement dit, l’organisme doit démontrer qu’il dispose réellement de formateurs, matériels, supports, salles, etc., adaptés.

    • L’adéquation des actions de formation avec les référentiels d’activités et de compétences de la certification cible. (Nouvel alinéa 2° ter de R.6113-9.) Les contenus pédagogiques et modalités évaluatives doivent correspondre point par point aux compétences exigées par le diplôme.

Le texte renforce aussi la qualité des référentiels eux-mêmes. Les référentiels de compétences et d’activités (RNCP) doivent être cohérents et intégrer des enjeux contemporains : transition écologique et numérique, principes de santé-sécurité au travail, inclusion des situations de handicap, accessibilité universelle. Ces éléments deviennent obligatoires dans les référentiels des certifications nouvelles ou révisées.

  • Lutte contre les abus et délais de demande. Un nouvel article R.6113-11-1 impose qu’après trois refus d’enregistrement (art. R.6113-8-1) ou plusieurs échecs sur cinq ans, un certificateur doit attendre un an avant de soumettre à nouveau une demande similaire. Ceci vise à éviter les procédures répétitives sur un même projet défaillant. Par ailleurs, l’article R.6113-8 est complété pour prévoir désormais une téléprocédure spécifique : toutes les demandes se feront en ligne via France compétences (téléservice dédié), ce qui modernise le processus.

  • Habilitations des organismes de formation. Jusqu’ici, certains ministères ou certificateurs pouvaient déléguer la préparation ou l’évaluation (VAE, examens) à des organismes tiers sans cadre réglementaire précis. Le décret crée une sous-section « Habilitations » (R.6113-16 à R.6113-16-6) pour encadrer cela. Dorénavant :

    • Les ministères et organismes certificateurs doivent s’assurer de préparer eux-mêmes les candidats aux certifications ou, à défaut, d’« habiliter » formellement un organisme tiers pour le faire. L’habilitation peut être délivrée par décision du ministre compétent ou par convention (par exemple entre certificateur et formateur).

    • Les conditions d’une habilitation (R.6113-16-1 et 16-2) sont précisées : l’organisme tiers doit démontrer sa capacité à respecter les référentiels officiels (compétences visées) et à mobiliser des moyens pédagogiques et d’encadrement adéquats. Un arrêté du ministre certificateur peut détailler ces conditions. L’habilitation précise son objet, les certifications concernées, sa durée, la contrepartie financière éventuelle, les règles de sous-traitance, les moyens techniques exigés, etc. En cas de silence de l’administration pendant 4 mois, la demande vaut accord (principe du « silence vaut acceptation »).

    • Les organismes habilités (tiers) ont des obligations strictes (R.6113-16-3 et 16-4) : ils doivent utiliser l’intitulé exact de la certification et de ses blocs de compétences dans tous leurs documents, réaliser toutes les actions nécessaires pour couvrir l’ensemble des compétences du référentiel, respecter les durées minimales et les volumes d’heures réglementaires, ainsi que les règles de présentiel et le nombre de stagiaires par formateur définis par le certificateur. Ceux habilités à l’évaluation doivent organiser les sessions d’examen conformément au référentiel et inscrire systématiquement à l’examen les apprenants qu’ils ont formés.

  • Renforcement des contrôles et sanctions. Le décret donne à France compétences et à la commission de certification des moyens accrus de contrôle et de sanction :

    • Après des refus répétés, le directeur de France compétences peut interdire à un certificateur de déposer pendant 2 ans un nouveau projet similaire (nouvel art. R.6113-16-7).

    • France compétences (ou un tiers mandaté) peut contrôler à distance les dossiers des certificateurs, en demandant tout document nécessaire pour vérifier le respect des critères de R.6113-9 et R.6113-11, des mentions prévues dans l’habilitation (R.6113-16-2) et des obligations des formateurs habilités.

En cas de non-respect des critères, France compétences peut adresser une mise en demeure au certificateur (délai ≥30 jours) puis, si rien n’est corrigé, prononcer la suppression pure et simple de la ou des certifications du RNCP concernées. Cette suppression peut s’accompagner d’une interdiction de 2 ans de présenter de nouveaux projets. Pour les manquements graves ou répétés, France compétences peut décider de retirer tout ou partie du répertoire professionnel d’un certificateur, après procédure contradictoire. Des sanctions spécifiques sont prévues en cas d’atteinte à l’intégrité des candidats ou de manquement à l’obligation d’honorabilité (certificat B3 non transmis).

Enfin, les dates d’entrée en vigueur sont précisées : la plupart des dispositions s’appliquent immédiatement, à l’exception de certains points (3°, 4°, c du 5°, 6°, 7° de l’art.1) qui ne s’appliqueront qu’aux demandes d’enregistrement reçues par France compétences à partir du 1er octobre 2025. De même, les nouvelles règles relatives aux habilitations (articles R.6113-16-1 et 16-2) s’appliqueront aux habilitations délivrées à compter de cette même date.

Conséquences pour les organismes de formation

Le décret 2025-500 impose aux organismes de formation plusieurs nouvelles responsabilités et renforcera la vigilance des autorités sur la qualité des formations. Parmi les impacts majeurs :

  • Élévation du niveau d’exigence pédagogique. Les nouveaux critères (2°bis et 2°ter) exigent que les formations suivies par les candidats soient réellement mises en œuvre avec des moyens effectifs et qu’elles correspondent précisément aux référentiels officiels. Pour les OF, cela signifie qu’il faut documenter et prouver la réalité des moyens (matériels, supports, personnel) mis à disposition. En pratique, il faudra renforcer la traçabilité (photos des sessions, fiches de suivi, enquêtes de satisfaction, etc.) et vérifier que chaque séquence de formation couvre bien les compétences décrites par le référentiel.

  • Mise à jour des contenus et référentiels. Le décret impose désormais que les référentiels prennent en compte la transition écologique et numérique, la santé/sécurité et l’accessibilité handicap. Les OF devront veiller, en concertation avec les certificateurs, à intégrer ces thématiques dans leurs programmes. Cela peut impliquer de revoir les référentiels internes, d’ajouter des modules spécifiques (par exemple, un module sur la sobriété numérique ou la gestion des déchets pour certains métiers), et de former les formateurs à ces enjeux pour qu’ils puissent les enseigner aux apprenants.

  • Responsabilité accrue des formateurs habilités. Si un organisme est habilité par un ministère ou certificateur pour dispenser une formation ou évaluer des candidats, il doit respecter toutes les nouvelles obligations (article R.6113-16-3 et 16-4). L’habilitation précise maintenant les blocs de compétences concernés, le nombre d’heures, la contrepartie financière, les règles de sous-traitance, etc. Un OF habilité doit donc scrupuleusement suivre ces prescriptions. Par exemple, il doit utiliser l’intitulé officiel de la certification dans ses contrats et supports, maintenir le cadre des volumes horaires fixés par le certificateur, et inscrire ses stagiaires aux sessions d’examen qu’il organise. Tout manquement justifierait une suspension ou un retrait de l’habilitation.

  • Surveillance renforcée et risque de sanction. France compétences sera désormais vigilante sur le terrain. Les organismes de formation, en particulier ceux préparant à une certification RNCP, pourraient faire l’objet de contrôles documentaires. En cas de signalement ou de doute (par exemple un taux de réussite très bas, des plaintes), France compétences peut demander tous les éléments de preuve pour vérifier les critères. En cas de défaillance, l’organisme certificateur (ou le ministère) pourrait recevoir une mise en demeure, et ses certifications exclues du RNCP si rien n’est rectifié. Par ricochet, cela peut affecter les OF : si la certification qu’ils délivrent n’est plus enregistrée, leur offre de formation perd de sa valeur pour les apprenants.

  • Convergence avec Qualiopi. Les nouvelles exigences rejoignent celles du référentiel Qualiopi. Par exemple, le critère 4 de Qualiopi insiste sur « l’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement aux prestations mises en œuvre ». De même, plusieurs indicateurs Qualiopi demandent de vérifier la cohérence des contenus avec les objectifs de la formation (indicateur 3) et la compétence des formateurs (critère 4). Ainsi, un organisme déjà certifié Qualiopi a généralement mis en place un système de preuve (fiches de présence, enquêtes, bilans…) qui pourra l’aider à satisfaire les nouvelles règles. En revanche, ceux qui n’ont pas Qualiopi devront rapidement aligner leur démarche sur ces standards de qualité : à la fois pour rester dans les clous du décret et pour continuer à obtenir des financements.

En résumé, le décret 2025-500 renforce le cadre réglementaire autour des certifications professionnelles pour garantir leur qualité et leur fiabilité. Pour les organismes de formation, cela signifie intégrer ces nouvelles exigences dans leur gouvernance pédagogique. Il leur faut s’assurer d’une parfaite adéquation entre moyens mobilisés et objectifs de chaque certification, documenter rigoureusement leurs actions de formation, et maintenir les référentiels à jour.

Ce travail s’inscrit naturellement dans la démarche Qualiopi : un organisme rigoureux, certifié Qualiopi, sera mieux armé pour répondre aux contrôles et aux nouvelles demandes de preuve. À l’inverse, le non-respect des nouvelles obligations peut conduire à des sanctions lourdes (retrait de certifications du RNCP, interdictions temporaires, etc.), et donc à une perte de crédibilité. Les OF doivent donc voir ce décret comme un signal fort : il est temps de renforcer encore leur suivi qualité et leur expertise métier pour consolider l’accès à la certification professionnelle!

Benoît Boitard

Benoît Boitard est fondateur de Digi-Certif. Diplômé de Sciences Po Paris, spécialité management et qualité au sein des organisations, il est auditeur Qualiopi et responsable qualité au sein de plusieurs organismes de formations depuis 2020.